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Abidjan-Banco : qualité douteuse de l’eau utilisée par les « fanicos »

Aux premières lueurs du jour, la rivière Banco située à proximité de l’autoroute entre les communes d’Adjamé et Yopougon est prise d’assaut par les fanicos*. Les linges tendus à même les herbes à la mi-journée présentent un concert de couleurs vives et étincelantes avec l’action du soleil de plomb.

De nombreuses balles de vêtements disposés çà et là, les fanicos sont en pleine action. Le matériel de travail se compose d’une grosse pierre polie autour de laquelle est posé un vieux pneu de voiture. Le torse nu pour certains, les pieds dans l’eau et un savon à la main, ils s’attellent à terminer le plus rapidement possible la lessive.

« Il ne faut pas trop faire attendre les clients sinon ils ne vous confient plus leurs vêtements », affirme l’un d’eux.

Le savon artisanal utilisé communément appelé kabakourou*, est un mélange de soude caustique et d’huile de palme porté à ébullition et transformé manuellement en boule à la fin du processus. C’est sa dureté et sa résistance à l’usure qui lui a valu se sobriquet.

« Avec un petit morceau de savon de 100fcfa, on peut laver des dizaines de vêtements », nous a confié D.

Les vêtements abondamment savonnés sont battus sur la pierre, polie par l’usure. La lessive se fait dans une sorte de lac créé par la jonction entre la rivière Banco et la lagune Ebrié et le séchage sur les herbes environnantes. Figurez-vous que la même eau est utilisée pour laver et rincer les vêtements. Étrange non ? Cette eau doit avoir des vertus qu’on ignore. Jamais elle ne se salit pour eux.

En saison de pluie, la lagune reprend ses droits dans cette zone ce qui n’est pas fait pour déplaire aux fanicos. Ils profitent du renouvellement de la qualité de leur eau de lessive. On doit donc attendre la pluie pour que cette eau dans laquelle la lessive est faite tous les jours soit un peu renouvelée.

Lorsqu’on sait également que la lagune Ebrié est fortement polluée par les rejets d’ordures, les eaux usées et autres vidanges des domiciles, on se demande bien entre l’eau apportée par la lagune et celle du lac des fanicos, laquelle pollue l’autre.

Plonger un appareil de mesure de pollution dans cette eau risque probablement d’endommager l’appareil. C’est peut-être pour cela que les services de métrologie de la pollution lagunaire ne font jamais de prélèvement et des mesures dans cette zone. La lagune n’a qu’à se débrouiller pour s’auto-purifier, sinon qu’elle en discute avec la mer qui peut éventuellement la soulager.

Malgré la couleur sale de cette eau de lessive des gamins trouvent le moyen d’organiser des parties de baignades sous le regard indifférent des fanicos. Ceux-ci ne s’inquiètent guère du caractère boueux que prend petit à petit l’eau avec l’agitation des enfants.

Le faible coût de la prestation des fanicos oblige, de nombreux abidjanais continuent de leur confier leurs vêtements, malgré tous les risques que cela comporte. Espérons qu’ils savent vraiment dans quelles conditions sont traités leurs vêtements. Une professionnalisation de ce métier s’impose.

*Fanico : « Laver le linge » en langue Malinké
*Kabakourou : « cailloux » en langue Malinké
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jallaski

Commentaires

Babeth
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Heum! Je découvre ton blog aujourd'hui j'adore cet article vraiment. Félicitations! Cette photo en plus très belle illustration. Ca fait tres longtemps que je ne passe plus par la rivière du banco ca me rend nostalgique :-D

Jallaski
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Merci!

Ladji
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Super billet. Les fanico tout de meme rendent de nombreux services au aventuriers

Jallaski
Répondre

Merci!