Crédit:

Côte d’Ivoire : quelle place pour les minorités actives physiquement défavorisées ?

J’ai dû trouver une expression pour qualifier toutes ces couches de la population laissées pour compte à cause de leur handicap. En effet, le train de l’émergence fonçant à toute allure, il ne peut embarquer que les 200% valides. Car, même ceux qui sont 100% valides n’arrivent pas à s’en sortir convenablement.

La confédération des organisations des personnes handicapées de Côte d’Ivoire*, née le 31 mars 2012, regroupe plusieurs associations et fédérations de handicapés. A noter que, le recensement général de la population et de l’habitat de 2014 ne donne pas les statistiques exactes des personnes handicapées. Cependant, leur nombre serait évalué à plus de 900 000 personnes. Aussi, les minorités handicapées sur lesquelles nous voulons mettre l’accent dans ce billet sont les personnes muettes, malentendantes, aveugles ou encore celles qui souffrent de deux ou des trois maux cités. Comment ces personnes défavorisées arrivent-elles à suivre le rythme de cette vie de plus en plus difficile ?

Un départ raté

Ismaël, sourd-muet de 26 ans explique avec des grands gestes : « on nous a dit ce jour-là qu’il n’y avait plus de place, l’école était déjà remplie ».

Pas de place ! C’est malheureusement ce à quoi les parents des jeunes sourds, muets et aveugles doivent faire face chaque année pendant la rentrée des classes. En effet, l’école ivoirienne pour les sourds dans la commune de Yopougon à Abidjan, seul établissement sur le territoire spécialisé dans l’encadrement scolaire des enfants déficients auditifs. Et, il est devenue trop exiguë pour accueillir tous les pensionnaires. Seul, une poignée d’enfants, moins de 200 du préscolaire au CM2*, arrivent à accéder à ce « graal ». C’est le même son de cloche à l’institut national pour la promotion des aveugles également situé à Yopougon.

Mais qu’advient-il de ces enfants après la classe de CM2 ?

Un système éducatif inadapté tout simplement pour ces minorités…

Pour la plupart des enfants chanceux, ayant eu l’occasion d’être inscrits dans ces écoles spécialisées, le chemin s’arrête brusquement après le préscolaire et le primaire. En fait, aucun dispositif dans nos collèges et lycées ne leurs permettent de s’adapter à l’enseignement dispensé. Souvent, quelques téméraires arrivent quand même à continuer les études mais au prix de mille suivi à la maison. Ce qui n’est pas à la portée de tous les parents.

« Mon fils a pu continuer ses études parce qu’il est seulement muet. Il entend très bien. Le seul problème est qu’il ne peut pas intervenir comme ses amis pendant les cours », confie M. Ernest K.

Pas d’écoles secondaires adaptées pour les accueillir. Ceux-ci doivent s’orienter rapidement vers un secteur d’activité pour devenir autonome.

Mais là également c’est souvent la catastrophe !

Quel boulot convient-il à cette minorité active ?

Considérés comme des sous-hommes ou incapables d’apporter le profit maximum dans le milieu professionnel, très peu arrivent à trouver un boulot. Plusieurs mouvements de protestations ont déjà eu lieu entre la confédération des organisations des personnes handicapées de Côte d’Ivoire et le ministère de la fonction publique. En effet, le ministère est revenu sur la décision d’intégrer chaque année quelques personnes handicapées diplômées dans les effectifs à recruter. Et ,les discussions sont bloquées depuis plusieurs années. Aussi, selon le président de cette confédération, seulement 5 personnes ont été recrutées à la fonction publique depuis l’entrée en vigueur de cette décision en 1997.

Face à la réticence de leur emploi dans les grandes structures, les minorités actives physiquement défavorisées ne peuvent que s’installer à leur propre pour faire de petits métiers informels. Mais, les banques ne se bousculent pas non plus pour les aider dans l’acquisition de prêts pour l’installation. Leur réelle intégration dans la société ivoirienne reste encore une chimère.

*La confédération des organisations des personnes handicapées de Côte d’Ivoire comprend : la fédération des associations des aveugles de Côte d’Ivoire (Famaci), la fédération nationale des handicapés physiques et accidentés de travail de Côte d’Ivoire (Fenapatci), la fédération des associations des sourds de Côte d’Ivoire (Fasoci), la fédération ivoirienne des associations des sourds et aveugles (Fiasa), la fédération des organisations des bègues de Côte d’Ivoire (Fenopci), la fédération des organisations pour le bien-être des albinos de Côte d’Ivoire (Faobaci), et la fédération pour la promotion des étudiants et élèves handicapés de Côte d’Ivoire (Fpeehci).

*CM2 : Cours moyen 2e année (dernière classe de l’enseignement primaire).

Partagez

Auteur·e

jallaski

Commentaires